
Porter plainte comme victime d’escroquerie
Beaucoup de victimes d’arnaques négligent de porter plaintes. Elles ont tort.
Une étape incontournable
Pour une victime d’arnaque, le dépôt de plainte est une étape incontournable. C’est le seul moyen d’être reconnu comme victime, psychologiquement, judiciairement et par votre assurance. Cela permet également d’être pris en compte dans les statistiques de la criminalité qui permettent de prendre la mesure de l’importance d’un type de délinquance afin de susciter une réponse des pouvoirs publics.
Le dépôt de plainte est un acte judiciaire relevant du droit pénal, c’est-à-dire de la partie du droit qui s’occupe de punir les auteurs de faits considérés par la sociétés comme tellement grave qu’ils doivent être réprimés par des punitions (amendes) et que la société doit être protégée de leurs auteurs (prison ou contraintes).
Plainte et main courante
Une main courante permet de “déclarer des faits que vous avez subi ou dont vous avez été témoin”. Cela permet de laisser une trace documentée d’un événement, si vous ne désirez pas porter plainte ou dont vous n’êtes pas sûr qu’il constitue une infraction.
L’auteur des faits peut éventuellement avoir connaissance du dépôt de main courante mais ce ne sera pas systématique. Il ne sera pas forcément convoqué. Cependant, “même en l’absence de plainte, le procureur de la République, informé d’une infraction dans une main courante, peut décider de lancer une enquête”.
Dans les affaires d’escroqueries, le dépôt main courante seul est rarement efficace seul. Privilégier le dépôt de plainte.
Assez voisin de la main courante: le signalement sur l’une des plateforme de service-public.fr spécialisée dans la délinquance astucieuse et sur internet comme THESEE où Pharos. C’est un geste civique qui aidera les autorité à lutter contre cette délinquance très spécifique. Pour y procéder, cliquez ici et laisser vous guider.
Se constituer “partie civile”
Il vous est également possible de vous constituer partie civile dans votre plainte. Cela signifie que vous demandez également que les auteurs des faits dont vous vous plaignez vous dédommagent du préjudice que vous avez subi (droit civil), en plus d’être punis (droit pénal).
Les victimes d’arnaques devraient se constituer systématiquement partie civiles. Nous le leur recommandons.
4 façons de porter plainte
Vous pouvez déposer plaintes:
- En ville et dans les zones urbaines dans un commissariat de police.
- Dans les zones rurales, dans une gendarmerie.
- Auprès du Procureur de la République en envoyant un courrier sur papier libre. Le procureur a l’obligation de vous répondre. Mieux vaut lui adresser votre plainte par courrier recommandé avec accusé de réception afin d’être en mesure de prouver que ce courrier lui a bien été envoyé.
Pré-plainte et prise de rendez-vous pour gagner du temps
Si vous devez vous rendre dans un commissariat ou une gendarmerie et si “vous ne connaissez pas l’identité de l’auteur”, vous pouvez remplir une pré-plainte en ligne afin de gagner du temps et de faciliter le travail du policier ou du gendarme qui vous recevra.
Pour éviter d’attendre, parfois plusieurs heures, en gendarmerie ou commissariat avant d’être reçu et de pouvoir déposer plainte, vous pouvez également prendre rendez-vous. Si vous êtes à Paris ou en région parisienne, ce lien vous permettra de trouver le site vous permettant de prendre rendez-vous dans votre commissariat.
Très peu de conditions sont requises pour porter plainte
N’importe qui peut déposer plainte, quel que soit par exemple son âge ou sa nationalité. Un mineur n’a pas besoin d’être accompagné de son tuteur légal pour déposer plainte.
Il n’est pas nécessaire d’avoir réussi à identifier l’auteur des faits contre lesquels vous déposer plaintes: il est possible de porter plainte contre X. Il est possible de porter plainte contre une personne physique (quelqu’un) ou une personne morale (entreprise, association, État…).
Surtout une limite: les délais de prescription
L’une des limites à un dépôt de plainte, ce sont les délais de prescription.
Au-delà d’un certain délai, il n’est plus possible de déposer plainte. Ces délais varient suivant la gravité des faits. Pour les moins graves, que l’on appelle les “contraventions”, ce délai est d’un an. Pour les plus grave, que l’on appelle les “crimes” (qui impliquent généralement des atteintes physiques), cette durée est portée à 20 ans.
Les arnaques et escroqueries financières rentrent presque toujours dans la catégorie intermédiaire des délits, pour lesquels la durée de prescription est de 6 ans (voir l’escroquerie en droit français). Si vous êtes victime d’une arnaque, vous avez 6 ans pour déposer plainte. Après, ce sera trop tard.
On vous décourage ou on refuse d’enregistrer votre plainte?
Il arrive, heureusement rarement, que des policiers ou des gendarmes refusent d’enregistrer les plaintes de victimes ou les décourage. Cette pratique a fait l’objet d’un rappel très sévère du ministère de la Justice en 2011.

Pour refuser d’enregistrer une plainte, ils vont par exemple prétendre qu’il n’y a pas de délit constitué ou que vous n’êtes pas encore victime d’une arnaque.
Pour vous décourager, ils diront par exemple que votre plainte ne sert à rien car l’auteur des faits est impossible à identifier ou que votre plainte ne débouchera sur rien.
Les policiers et gendarmes n’ont pas le droit de vous refuser l’enregistrement d’une plainte. Ils n’ont pas dans leurs prérogatives d’en apprécier l’opportunité. Cette mission est réservée à l’autorité judiciaire, non pas à une autorité administrative.
Si un policier ou un gendarme avait le droit de refuser d’enregistrer une plainte, elle se trouverait dans un conflit d’intérêt. C’est précisément pour cette raison que le code de procédure pénale pose que les policiers et gendarmes “sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes” (article 15-3).
Des cas de refus d’enregistrement de plainte ou en tout cas d’incitation à ne pas le faire sont régulièrement relevés, par exemple dans les affaires de viols. En 2013, un député a interpelé en assemblé le ministre de l’intérieur à ce sujet.
Si vous faites l’objet d’un tel refus ou découragement, n’hésitez pas à le signaler à la hiérarchie du policier ou gendarme qui vous a opposé un refus ou vous a découragé, par courrier simple ou courrier recommandé.
Le dépôt de plainte est gratuit mais un avocat peut vous aider
Déposer plainte est gratuit. C’est un service public. Il est possible de faire appel à un avocat, surtout dans le cas d’escroqueries financières complexes ou astucieuses.
Si vous optez pour une plainte adressée par courrier au Procureur de la République, l’administration vous propose un modèle de lettre. Mais le recours à un avocat peut être préférable, particulièrement dans le cas des affaires d’escroqueries, qui peuvent être des affaires complexes, afin de vous assurer que tous les éléments nécessaires à sa recevabilité et à l’enquête qu’elle peut déclencher y figurent.
Que se passe-t-il après un dépôt de plainte?
Quand une plainte a été déposée, le services de police judiciaire sont chargée d’enquêter. Dès qu’un suspect est identifié, les policers-enquêteurs le signalent au Procureur de la République.
Tous les actes que les agents et officiers de police judiciaire réalisent pendant leur enquête sont transcrits dans des procès-verbaux. Ces procès-verbaux ne sont pas communiqués au suspect ou à la victime pendant la durée de l’enquête.
Pour alimenter ces procès-verbaux, les enquêteurs peuvent procéder à des auditions, des réquisitions, des gardes à vue, des perquisitions, des expertises…
Le dossier passe ensuite devant le Procureur de la République, peut décider:
- Soit de classer l’affaire sous divers motifs comme par exemple l’ “impossibilité d’identifier l’auteur des faits.
- Soit de poursuivre le suspect de le traduire devant une juridiction pour qu’il soit jugé
Si la plainte est accompagnée d’une constitution de partie civile, l’enquête est menée par un juge d’instruction.
Droit à un avocat: l’aide juridictionnelle
Si vous avez besoin d’un avocat mais que vous avez des revenus trop faibles, vous pouvez faire une demande d’aide juridictionnelle.
Pour obtenir cette aide, vous ne devez pas disposer d’une assurance prenant en charge des frais de justice, être de nationalité française ou européenne, ou encore résider de manière habituelle en France et enfin justifier d’un revenu fiscal de référence et/ou de patrimoine inférieur à certains plafonds.
Votre revenu fiscal de référence est inférieur à 11 580 €, votre patrimoine immobilier est inférieur à 34 734 € et votre patrimoine mobilier est inférieur à 11 580 €. | Vous bénéficiez de 100% de prise en charge |
Votre revenu fiscal de référence est compris entre 11 580 € et 13 688 €, votre patrimoine immobilier est inférieur à 34 734 € et votre patrimoine mobilier est inférieur à 11 580 €. | Vous bénéficiez de 55% de prise en charge |
Votre revenu fiscal de référence est compris entre 13 688 € et 17 367 €, votre patrimoine immobilier est inférieur à 34 734 € et votre patrimoine mobilier est inférieur à 11 580 €. | Vous bénéficiez de 25% de prise en charge |
Le ministère de la justice met à disposition un simulateur permettant de savoir instantanément à quel montant d’aide juridictionnelle vous pouvez prétendre.
Class action et action de groupe
Procédure ancienne et populaire aux États-Unis, la “classe action” ou action de groupe a été introduite tardivement en droit français en 2014, “pour réparer un préjudice matériel, exclusivement pour des litiges relevant de la consommation ou de la concurrence” et avec des dispositions spécifique en matière médicale.
Elle permet à des personnes “victimes d’un même préjudice, commis par un professionnel, de saisir les tribunaux de manière collective afin d’obtenir réparation”. Il faut donc la réunion d’au moins deux victimes.
La loi impose à ce collectif de créer ou d’appartenir à une association ou un syndicat “dont l’objet statutaire porte sur les intérêts défendus pour introduire l’action de groupe en justice”. Autrement dit: pour lancer une action de groupe, il faut créer une association ou un syndicat exprès dans cet objectif. En pratique, beaucoup des actions collective sont introduite par des associations de consommateur déjà établies comme CLCV, l’UFC Que Choisir, Familles Rurales…
Cet organisme réunira des plaignants qui seront, dès lors, défendus par un seul et même avocat. La représentation par un avocat est obligatoire.
La loi n’attribue cependant pas de monopole de représentation à une telle association ou un tel syndicat. Il peut donc s’en constituer plusieurs pour représenter plusieurs groupes d’au moins deux victimes.
L’action de groupe doit être introduite dans les cinq ans à partir “du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer”.
Une procédure en deux temps
La particularité de l’action de groupe, c’est de se dérouler en deux temps:
- Dans un premier temps, un juge se prononce sur le fond. Il détermine la responsabilité du professionnel et si elle est établie, il fixe un montant d’indemnisation forfaitaire que le professionnel devra payer à chaque consommateur se trouvant dans la même situation.
- Dans un second temps, les consommateurs lésés pouvant prétendre toucher cette indemnisation disposent de 2 à 6 mois pour adhérer à l’association ou au syndicat afin d’obtenir réparation. L’organisme doit donc communiquer pour recenser les victimes. Passé ce délai, la procédure prend fin.
Action de groupe et escroquerie: pas encore assez efficace
Beaucoup des victimes qui nous contactent nous parlent d’action collectives. Nous les aidons d’ailleurs à se regrouper en permettant aux victimes d’une même arnaque d’être mises en contact.
Cependant, à ce jour, les dispositifs juridiques relatifs à l’action de groupe en droit français n’ont jamais été, à notre connaissance, actionnés dans des affaires d’escroqueries financières. Pourquoi?
Sur le papier, en théorie, les arnaques financières peuvent rentrer dans le champ du droit de la consommation pour lequel les actions collectives ont été élaborées, afin d’obtenir la réparation d’un préjudice résultant d’une arnaque.
En pratique, les avocats de victimes d’arnaques ne choisissent pas cette voie car:
- Les structures juridiques créées pour des arnaques ne sont généralement pas financièrement viables. Leurs propriétaires ne les créent généralement pas pour les perpétuer mais plutôt pour les vider de leur substance en s’en servir comme fusible juridique chargé de supporter les risques judiciaires et économiques à leur place. Espérer un dédommagement de ces entités est donc assez illusoire. Dans ce cas, une demande, même collective, sur le fondement d’une violation du droit de la consommation aurait peu de chance d’aboutir à une réelle indemnisation.
- Compte tenu de la gravité des faits en cause dans les affaire d’escroquerie, les conseils juridiques s’orientent le plus souvent vers des procédures pénales (le délit d’escroquerie par exemple) qui permettent de mettre en cause la responsabilité civile des personnes morales aussi bien que des personnes physiques Cela peut paraître plus efficace qu’une procédure collective lorsque les structures juridiques servant de paravent à des activités implicitement illégales. Dans ce cas, le droit pénal traditionnel parait le plus efficace même s’il ne permet pas de recours collectifs spécifiques.
- Les actions de groupe ont été majoritairement déclenchées par des associations de consommateur anciennes et puissantes comme l’UFC-Que Choisir, CLCV ou Familles rurales. L’introduction de cette procédure n’a pas suscité la création d’association aux fins d’une action de groupe particulière. En imposant la création d’un collectif de ce type, la loi voulait éviter un dévoiement à l’américaine de l’action de groupe. De fait, l’action de groupe est très vite devenue le monopole des associations de consommateur historiques, qui sont les seules à disposer des moyens et de l’expertise nécessaire pour lancer des actions de groupe.
Il peut cependant exister des cas de figure dans lesquels une action collective contre une escroquerie ne rencontre pas ces deux écueils: des escroqueries mettant en cause une entreprise viable et solvable et dont les victimes cherche avant tout la réparation de leur préjudice. Ce pourrait être par exemple le cas des sites de trading israélo-chypriotes légalement installés dans l’Union européenne.