Un documentaires diffusé sur Arte révèle les pratiques des sites de paris sportifs. Cette industrie se nourrit littéralement de l’addiction.
Sommaire
Toggle- « C’est devenu la nouvelle cigarette »
- Cette victime anglaise faisait jusqu’à 400 paris par jours
- Des externalités négatives qui pénalisent toute la société
- 2/3 des clients des sites de paris sportifs souffrent d’addiction
- Exploiter l’addiction de façon systématique
- Bonus, premier gain, premier shoot d’adrénaline: capter l’addiction
- Les perdants sont VIP et les gagnants sont poussés vers la sortie
- Le service profilage repère ceux qui battent le bookmaker
- En 10 ans, leur chiffre d’affaire a explosé. L’addiction aussi…
- Les garçons mineurs: un investissement d’avenir…
- Les plus pauvres ciblés par les sites de paris sportifs
- Publicité pour les jeux les mêmes problèmes que pour le tabac
- Une industrie puissante, tentaculaire et influence
« C’est devenu la nouvelle cigarette »
« C’est devenu la nouvelle cigarette ». L’homme qui parle ainsi des sites de paris sportifs n’est pas n’importe qui. Stewart Kenny a fondé Paddy Power et dirigé Flutter. Il sait de quoi il parle. Horrifié par ce qu’est devenu l’industrie et les ravages qu’elle occasionne dans la société, il prend désormais la parole dans la presse pour appeler à une plus grande régulation.
Et c’est surtout l’un des personnages principaux d’un film documentaire lui aussi effrayant autant qu’édifiant, sur ce qu’est devenu l’industrie des paris d’argent en Europe et dans le monde. Ce film signé Linda Bendali et produit par Magneto a été diffusé sur Arte. Il est intitulé « Paris sportifs, les bookmakers raflent la mise ».
Ce film explique très bien pourquoi la comparaison entre industrie des jeux d’argent et industrie du tabac est pertinente. Les deux industries prospèrent sur une maladie, l’addiction. Les méthodes de promotion sont comparable, particulièrement dans le ciblage des jeunes. L’infiltration des centes de décision politique est également commune.
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Mise en relation avec d’autres utilisateursCette victime anglaise faisait jusqu’à 400 paris par jours
« J’ai été un parieur compulsif. Je pouvais faire 300 à 400 paris par jour » raconte Steve Ramsay, qui habite dans le Nord de l’Angleterre. « Au pire moment je perdais entre 17 et 23 000 euros chaque mois » ajoute-t-il. Il réussit temporairement à en sortir et à arrêter.
Il est aussitôt submergé de de publicités et d’offres promotionnelles. Il retombe. Pris dans une spirale infernale de dette, il commence à voler de l’argent a son travail. Il songe à se suicider.
Des externalités négatives qui pénalisent toute la société
L’addiction en générale et l’addiction aux paris sportifs en particuliers cause plein d’autres problèmes sociaux que le seul problème personnel engendré par l’addiction de la personne victime. Les personnes addicts vont basculer plus souvent que les autres dans la délinquance pour trouver de l’argent. Elles seront plus souvent confrontés aux services sociaux, à la Justice, aux services de surendettement, à la médecine… Elle vont causer des problèmes à leurs proches. Parents, conjoints, enfants en souffriront également.
Comme pour le tabac, c’est la société qui devra prendre en charge les coûts induits en termes de santé publique, d’assistance sociale ou de traitement judiciaire de la délinquance induite. C’est un coût caché qui n’est jamais mesuré. Les jeux d’argent coûteraient ainsi deux à trois fois plus aux sociétés européennes qu’ils ne leurs rapportent.
2/3 des clients des sites de paris sportifs souffrent d’addiction
Le cas de cette victime anglaise n’est pas isolé. Bien au contraire. Ce que montre ce film, c’est même que l’addiction des joueurs, c’est même le business même des sites de paris sportifs: vivre de l’addiction aux jeux d’argent. En effet, on découvre dans ce film que 2/3 des clients de ces sites ont des problèmes d’addiction aux jeux d’argent. Il s’agit soit de « joueurs pathologiques », soit de « joueurs à risque ». Le chiffre d’affaires des sites de paris sportifs est donc une rente sur une maladie mentale.
« 99% des clients qui jouent sur nos sites perdent. Plus vous jouez, plus vous perdez », explique le dirigeant de l’un de ces sites, interrogé devant une commission parlementaire anglaise le 4 février 2020 avec d’autres dirigeants.
Les entreprises de paris sportifs n’ont aucun intérêt à lutter contre l’addiction. Bien au contraire. Elles s’en nourrissent. En France, elles réalisent 39% de leurs revenus grâce aux joueurs pathologiques. 24% du revenu vient des « joueurs à risque » Soit 63% du CA vient de parieurs problématique. Même modèle partout. C’est cela que l’on a fait en Europe.
Stewart Kenny, ancien dirigeant de Flutter a tenté de faire entendre raison à ses actionnaires: « nous pourrions diminuer le nombre d’addict en sacrifiant 15% de nos bénéfices ». Ses propositions étaient inaudibles. « Ils cherchaient une solution qui ne leur coute rien ».
Exploiter l’addiction de façon systématique
Un ancien employé en charge du marketing de sites de paris sportifs raconte la façon dont une maladie, l’addiction, la vulnérabilité et la pauvreté sont exploités systématiquement par les sites, avec des méthodes qui donnent la nausée.
Keane Robinson raconte: « nous avions accès à une énorme base de données. Nous utilisions les données des cartes de crédit pour cibler les personnes qui ont des dettes ou celles qui vivent dans des logements HLM. Nous savions que ces personnes se situaient dans les tranches des bas revenus et qu’elles avaient le profil du parieurs ».
Alors ils les bombardent d’offres promotionnelles. Chaque refus reçoit une offre plus intéressante encore. Certains résistent. Mais beaucoup d’anciens joueurs sevrés replongent à cause de ces offres gratuites. C’est exactement ce que raconte Steve Ramsay. « On avait conscience qu’on ciblait des addicts. Mais c’était quelque chose qu’on ne voulait pas regarder en face » confirme Keane Robinson.
Bonus, premier gain, premier shoot d’adrénaline: capter l’addiction
Pratiquement tous les addicts racontent l’effet qu’a eu sur eux leur tout premier gain, ce premier shoot d’adrénaline qu’ils vont tenter perpétuellement de retrouver par tous les moyens. Sans jamais y arriver.
C’est pour cette raison que les bookmakers rivalisent de bonus et d’offres promotionnelles pour inciter à faire une première tentative. Tous les vendeurs de drogues aimeraient pouvoir distribuer gratuitement les premières doses.
« L’idée c’est d’utiliser le bonus comme un appât pour créer un besoin de parier » raconte l’ancien employé d’un site. « Très souvent on les laisse gagner au début. Après ils n’échappent pas à la règle. On perd aussi vite. On recrédite. Ca marche pas… Il claque toutes ses économies et arrête de parier ». Alors le site de pari lui envoie plein de paris gratuits pour le faire retomber. Et ça marche. Il retombe…
Les perdants sont VIP et les gagnants sont poussés vers la sortie
Dans les sites de paris sportifs, ce ne sont pas les gagnants qui sont chouchoutés. Ce sont les perdants. Le film détaille la terrible histoire d’une des victime de cette industrie. Il a perdu 3 millions d’euros en 20 ans sur Winamax.
Après un mois de perte, Winamax le contacte pour lui annoncer qu’il est désormais VIP. Pour son anniversaire, le site lui paye un voyage pour lui permettre d’aller voir le match de son choix.
Tandis qu’il hésite à demander une exclusion définitive, Antoine, le conseiller dédié aux VIP, lui demande s’il réalise bien ce que « définitif » signifie.
Un jour, la chance revient. Il remporte un gain de 750 000 euros. Il demande un retrait. le site a 72 heures pour le valider. Chaque jour, Antoine l’appelle pour lui demander s’il est bien sûr de vouloir retirer cet argent. Le joueur finit par céder. Il remise tout et perd tout.
A l’inverse, les sites de paris sportifs font tout leur possible pour se débarrasser des gagnants. « Si on gagne trop régulièrement, l’opérateur va mettre en place un certain nombre de techniques pour vous empêcher de gagner » raconte l’ancien employé d’un broker.
Le service profilage repère ceux qui battent le bookmaker
Dans les bureaux des sites de paris sportifs, on trouve un « service profilage » pour catégoriser les joueurs en fonction de leurs styles de Paris: comment ils jouent, à quelle heures, sur quels types de paris, de sports ou de match. Mais surtout, ce services permet de déterminer leur rentabilité: est-ce qu’ils gagnent ou ils perdent? Est-ce qu’il faut les garder ou s’en débarrasser?
Ceux qui sont fichés apparaissent dans un code couleur différent. Les vert et bleus vont perdre entre 10 et 20% de ce qu’ils jouent. Ils ne font pas peur. En orange, rouge, les client à surveiller. Et dans les catégorie 1, ceux qu’on appelle les « shark » (les requins). Ils gagnent beaucoup d’argent et ils battent régulièrement le bookmaker. Ils vont être limités dans leurs mises ou leurs paris vont être mis en attente. Ces pratiques ont valu aux sites de paris sportifs des sanctions.
En 10 ans, leur chiffre d’affaire a explosé. L’addiction aussi…
La France a libéralisé le marché des paris sportifs en 2010. et 13 ans après, l’addiction a explosé.
L’Allemagne a attendu le plus tard possible avant de céder. « Nous ne sommes qu’au début de ce phénomène. Les États qui ont libéralisé le marché constatent aujourd’hui le désastre qu’ils ont créé » commente Ulrich Mäurer qui a été Ministre de l’intérieur du land de Breme depuis plus de 15 ans. Quand elle a ouvert son marché, l’Allemagne a voulu limiter les paris à 1000 euros par mois. Mais ces dispositions ont été vidées de leur contenu. « Seul un monopole d’État peut garantir une protection face à ce secteur » jute le ministre.
D’après Santé Publique France « 340 000 personnes sont des accros sévères aux jeux et paris ». Une population qui a doublé en 5 ans.
En Angleterre, 430 000 personnes souffrent de cette addiction. Et le plus inquiétant, c’est que 55 000 ont entre 11 et 16 ans! Pourtant, les mineurs n’ont pas le droit de parier…
32 milliards d’euros ont été pariés pour coupe du monde 2022 contre 22 milliards en 2018. Le chiffre d’affaire de l’industrie est passé en 20 ans de 250 millions d’euros à 10 milliards d’euros.
Avec l’arrivée d’internet et des smartphone au début des années 2000, tout a changé. Les bookmakers se sont lancés dans une invraisemblable course à l’offre. Il est désormais possible de parier sur pratiquement tous les sports, du ping-pong à la pétanque en passant par le badminton et la pelote basque. Le parieur parier presque jour et nuit. Sur un match de foot, on peut parier sur le score mais aussi sur le nombre de corners, de penaltys, de fautes, sur les buts marchés de la tête, du pied droit, du pied gauche…
Les garçons mineurs: un investissement d’avenir…
Comme pour l’industrie du tabac, la jeunesse est une cible de choix. Implanter l’addiction chez les plus jeunes et à la fois plus facile et porteur pour l’avenir. En effet, les jeunes sont plus sujets aux addictions car le lobe frontale de leur cerveau n’est pas mature avant 25 ans.
Au Royaume-Uni, ce sont déjà 60 000 enfants qui ont un problème avec le jeu. La moitié des parieurs a moins de 25 ans et ce sont essentiellement des hommes.
« Nous sommes en train de complètement endoctriner les jeunes » raconte un intervenant. « Nous ne savons pas encore quelles seront les conséquences des 10 années d’endoctrinement ».
Les plus pauvres ciblés par les sites de paris sportifs
Paradoxalement, ce sont les populations pauvres qui sont les plus ciblées. « Les publicités sont tournées comme un moyen de s’en sortir » explique l’un des intervenants. Les pauvres sont plus perméables à l’illusion que l’on peut vivre réellement des paris sportifs.
Or, comme l’explique Sébastien Jung, un ancien employé d’Unibet « le message que l’on passe a la télé est complètement inversé de ce qui se passe en réalité ». En effet, la seule bonne raison d’aller parier de l’argent c’est pour le perdre. « On ment à tout le monde » poursuit-il. « Les entreprises de paris sportifs capitalisent sur les mêmes espoirs de richesse, les mêmes frustrations sociales ».
Publicité pour les jeux les mêmes problèmes que pour le tabac
Les sites de paris sportifs n’ont pas le droit de faire de la publicité à destination des mineurs. Est-ce que cela signifie que les publicités pour les paris sportifs sont interdites à la télévision, sur les panneaux dans la rue ou dans les transports en commun, afin que les mineurs n’y soient pas exposés? Eh bien non… Au contraire. Ces publicités ont envahi l’espace public et les mineurs y sont constamment exposés.
Cela rappelle l’époque où les cigarettiers faisaient de la publicité dans le sport afin de faire indirectement de la publicité à la télévision. Tout cela s’est arrêté en 2006. Et même après toutes ces années, l’industrie réussit de nouveau à s’immiscer dans le sport automobile.
Vous réclamez justice?
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5 victimes sont déjà inscrites.
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Mise en relation avec d’autres utilisateursUne industrie puissante, tentaculaire et influence
Les principaux groupes actifs en Europe sont:
- Winamax, le groupe de Patrick Bruel, Robert Louis-Dreyfus ou encore Marc Simoncini. Son siège a été perquisitionné deux fois en 2021 et une enquête judiciaire montre en 2022 que l’entreprise a violé plusieurs de ses obligations légales. L’entreprise classe les parieurs en cinq catégories en fonction de leurs gains. Ceux qui perdent le plus sont incités à continuer à jouer.
- Unibet, le site de Kindred Group.
- Bet365 est un site d’origine anglaise dont le siège se trouve sur un paradis fiscal spécialisé dans l’accueil des sociétés de jeux d’argent et qui est membre de l’Union européenne, Malte.
- Bwin appartient à Entain, l’ancien GVC Holding. Le siège social de Bwin se trouve sur l’île de Man, un paradis fiscal et réglementaire spécialisé dans l’accueil des sociétés de jeux d’argent. Sa filiale Bwin est basée dans un autre paradis fiscal, Gibraltar.
L’industrie bénéficie de puissants relais politiques car elle finance des partis politiques. Elle dispose de son propre lobby, très actif au parlement européen, comme le montre le film. On y voir Khalid Ali, le directeur de l’Association Internationale pour l’Intégrité des paris sportifs. s’adresser à des membres du parlement européen. Le député polonais Tomasz Frankowski, un ancien joueur de foot professionnel est même remercié pour son soutien.
« C’est une industrie qui se développe et se mondialise en permanence. C’est lié au fait que de nouvelles juridictions s’ouvrent en permanence, notamment dans les économies émergentes » commente le journaliste du Guardian, Rob Davies.