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Lutte contre le blanchiment: l’obligation de signalement des avocats

avocat blanchiment

Identifiée comme profession à risque, les avocats ont l’obligation de signaler des indices de blanchiments quand ils en sont témoin. Une obligation très encadrée néanmoins.

Concilier secret professionnel et respect de la loi

Les avocats sont titulaires d’obligations en matière de « LCB-FT », c’est à dire de « Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ». En effet, « les avocats ont été identifiés en tant que profession présentant un risque d’instrumentalisation aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ». Nous laissons de coté le financement du terrorisme pour nous intéresser uniquement au blanchiment.

Le blanchiment, c’est « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » (article 324-1 du code pénal). Le blanchiment est le processus consistant à réinjecter dans l’économie légale les fonds obtenus au moyen de la commission d’infractions pénales.

Être conseillé et défendu par un avocat étant un droit fondamental, les obligations nées de la LCB-FT doivent s’agencer avec le respect du secret professionnel des avocats, c’est-à-dire le respect de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, considéré comme un droit fondamental par le Conseil constitutionnel.

Quand est-ce que cette confidentialité doit-elle s’effacer au profit du devoir fait aux avocats de dénoncer les faits dont il est le témoin?

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L’obligation d’identifier précisément son client

La première contrainte des avocats en matière de lutte contre le blanchiment, c’est de s’assurer de l’identité réelle de leurs clients. S’ils ne sont pas en mesure d’identifier avec certitude l’identité de leurs clients (ou donneur d’ordre ou bénéficiaire effectif), ils ont l’obligation de s’abstenir de participer à l’opération envisagée (article L.561-8 du Code des Marchés Financiers). La règle vaut également pour les personnes morales clientes d’avocats.

Si nécessaire, l’avocat doit consulter le registre des bénéficiaires effectifs. Si l’avocat constate des discordances entre les informations qu’il a en sa possession et les informations contenues dans ce répertoire, il doit le signaler au greffier du tribunal de commerce (article L.561-47-1 du Code Monétaire et Financier), sans passer par le filtre du bâtonnier (contrairement déclaration de soupçon).

Obligation de vigilance renforcée dans certaines circonstances

La réglementation requiert de l’avocat un niveau de vigilance plus élevé lorsqu’il traite avec des « personnes politiquement exposées », ou pour « des opérations en lien avec des États ou territoires figurant sur les listes du GAFI ou de la Commission européenne«  ou enfin « pour toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite ». Pour ces dernières opérations, l’avocat doit être en mesure de justifier l’origine des fonds.

Tableau synthétique des risques extrait du guide pratique édité par le Conseil National des Barreaux.

Tracfin peut, pour une durée maximale de six mois renouvelable, signaler officiellement à l’ensemble des avocats « les opérations qui présentent, eu égard à leur nature particulière ou aux zones géographiques déterminées à partir desquelles, à destination desquelles ou en relation avec lesquelles elles sont effectuées, un risque important de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » et « d’autre part, des personnes qui présentent un risque important de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ». L’avocat doit donc régulièrement s’informer sur le site internet de TRACFIN.

Cartographie des risques d’après l’ACPR-Banque de France.

Au regard de leur cartographie et classification des risques, les avocats doivent mettre en place des procédures écrites internes à leur cabinet leur permettant de prévenir et de détecter d’éventuelles tentatives de blanchiment de la part de leurs clients, qui essaieraient de les instrumentaliser à cette fin. Le code monétaire et financier autorise les avocats appartenant au même réseau ou à la même structure d’exercice professionnel à s’informer mutuellement de l’existence et du contenu d’une déclaration de soupçon (art. L. 561-20 du Code Monétaire et Financier).

L’obligation de déclaration de soupçons

L’avocat doit procéder à la déclaration de soupçon s’il sait, soupçonne ou a de « bonnes raisons de soupçonner » que les sommes utilisées pour l’opération en cause « proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme » (article L. 561-15 du Code Monétaire et Financier).

Le soupçon est une « absence de certitude » (CE, 3 déc. 2003, n° 247985). Le soupçon naît notamment dès lors que l’avocat n’a pas la certitude de l’origine licite des sommes employées.

L’article 324-1-1 du Code pénal établit une présomption de blanchiment dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières d’une opération de placement, de dissimulation ou de conversion de biens ou revenus ne peuvent avoir d’autre justification que d’en dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif.

Le comportement du client peut également constituer un élément d’alerte

Récapitulatif des obligations de déclarations de soupçon des avocats.
Récapitulatif des obligations de déclarations de soupçon des avocats.

Il ne revient cependant pas à l’avocat de caractériser l’infraction primaire. En revanche, en établissant la déclaration, il conviendra d’en exposer les motifs, ce qui pourra dans certains cas conduire à exposer des éléments relatifs à l’infraction primaire dont semblent provenir les fonds soupçonnés de faire l’objet d’une opération de blanchiment, si cette infraction primaire est identifiée.

Le filtre du bâtonnier du barreau

Si l’avocat doit faire une déclaration de soupçon, il doit l’adresser uniquement et directement à son bâtonnier garant du secret professionnel, qui vérifie que l’on est dans le cadre de la loi et des prescriptions du code monétaire et financier. Si c’est le cas, le bâtonnier transmettra la déclaration à Tracfin dans un délai de huit jours francs à compter de sa réception (art. R. 561-32 CMF).

La plateforme de déclaration en ligne ERMES accessible sur le site internet de Tracfin ne peut pas être utilisé par les avocats déclarants compte tenu notamment du filtre du bâtonnier non pris en compte à ce jour par ERMES, sauf si la déclaration est effectuée dans le cadre de l’activité de fiduciaire. Les avocats effectuent la déclaration de soupçon par voie postale ou par télécopie, au moyen du formulaire dématérialisé, complété de façon dactylographiée disponible sur le site internet de Tracfin.

Les avocats bénéficient d’une immunité en cas de déclaration de soupçon effectuée de bonne foi pour l’une des transactions. Dans ce cas, il n’y a pas, contre un avocat ou son préposé qui a effectué de bonne foi une déclaration de soupçon, ou contre le bâtonnier qui l’a transmise à Tracfin d’action en responsabilité civile, de poursuite pénale (pour dénonciation calomnieuse), ou de poursuite disciplinaire (pour atteinte au secret professionnel).

Enfin, au terme de la relation d’affaire, l’avocat à l’obligation de conserver tous les éléments recueillis pendant une durée de 5 ans à compter de la fin de la relation d’affaires (art. L.561-12 du Code Monétaire et Financier).

Tracfin dispose de pouvoirs étendus

A l’issue d’une déclaration de soupçons, Tracfin peut:

  • S’oppose à la réalisation d’une opération faisant l’objet d’une déclaration de soupçon.
  • S’opposer à l’exécution d’une opération non encore exécutée.
  • Demander des renseignements complémentaires au bâtonnier.
  • Transmettre des informations au Procureur de la République.

Dans ce dernier cas, Tracfin en informe le bâtonnier qui doit ensuite en informer sans délai l’avocat auteur de la déclaration

Fiducie, gestion et conseil fiscal: d’importantes obligations de signalement

Quand l’avocat joue les fiduciaires ou les gestionnaires de patrimoine, c’est là qu’il se trouve contraint par le devoir de signalement ou de réponse aux autorités le plus lourd. Quand ils effectuent des transactions financières ou immobilières au nom et pour le compte de son client et l’activité de fiduciaire, les avocats sont assimilés à des gestionnaires de patrimoine. Ils doivent donc « transmettre directement ses déclarations à Tracfin et répondre aux demandes d’information que ce dernier lui adresse sans pouvoir invoquer le filtre du bâtonnier ». (L.561-15 CMF)

Il en va de même pour les cas où l’avocat occupe pour son client les fonctions suivantes:

  • L’achat et la vente de biens immeubles et de fonds de commerce.
  • La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client.
  • L’ouverture de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ou de contrats d’assurance.
  • L’organisation des apports nécessaires à la création d’une société.
  • La constitution, la gestion ou la direction de sociétés.
  • La constitution, la gestion ou la direction de fiducies, régies par les articles 2011 à 2031 du code civil ou de droit étranger, ou de toute autre structure similaire.
  • La constitution ou la gestion de fonds de dotation ou de fonds de pérennité.

Enfin, lorsque un avocat « fournit directement ou par personne interposée (…) des conseils en matière fiscale« , il est également titulaire d’un devoir de signalement et de réponses aux autorités, c’est-à-dire Tracfin, sans passer par le filtre du bâtonnier.

Deux cas d’exemptions

Deux exemptions sont prévues:

à l’article L. 561-3, II du code monétaire et financier. Pour ces deux exemptions, « toutes les informations reçues et conservées dans ce cadre sont protégées par le secret professionnel. Elles ne doivent donc pas être communiquées à quelque instance que ce soit ». L’avocat n’est pas tenu par un devoir de signalement:

  • Dans le cadre d’une consultation juridique
  • Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle

L’exemption pour consultation juridique

Un avocat bénéficie également d’une exemption lorsqu’il donne des consultations juridiques, « à moins qu’elles n’aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ».

Durant l’intégralité de cette phase, l’avocat est exonéré d’obligation de déclaration de soupçon. Il est donc primordial de déterminer le point de bascule entre la consultation juridique et la mise en œuvre opérationnelle ou effective de cette consultation qui, quant à elle, ne relève plus de l’exonération. Ce point de bascule est constitué par la décision du client demandant à l’avocat de commencer à mettre en œuvre la solution dégagée lors de la consultation juridique.

Malgré cette exemption, la indique que même en consultation, « l’avocat ne doit pas fournir un conseil à fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » et « l’exemption ne s’applique pas lorsque l’avocat sait que son client souhaite obtenir des conseils aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ».

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28 signalements en 2022. Une procédure efficace?

Interdiction de donner des conseils pour blanchir de l’argent sale mais pas d’obligation de signaler un client qui solliciterait de type de conseils et une obligation de signaler qui démarre dès que le client ordonne à son client la réalisation d’un schéma de blanchiment… Cette procédure est-elle efficace?

En 2022, seulement 28 signalements ont effectués. Difficile d’apprécier ce chiffre puisque par définition. Notons seulement une augmentation de 22% par rapport à 2021 et de pratiquement 50% depuis 2020.

Tracfin
Statistique des signalements à Tracfin par des avocats (source: TRACFIN)

« Un axe de développement de l’activité déclarative du secteur pourrait porter sur les tentatives d’entrées en relation d’affaires » indique Tracfin. « En effet, ne pas donner suite à une demande d’entrer en relation d’affaires pour des motifs KYC est une raison suffisante pour effectuer une déclaration de soupçon à Tracfin ».

L’exemption pour procédure juridictionnelle

Un avocat bénéficie d’une exemption lorsqu’il intervient dans le cadre d’ « une procédure juridictionnelle, que les informations dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure ».

C’est-à-dire « lorsqu’ils accomplissent leurs devoirs de défense ou de représentation de ce client dans le cadre de procédures judiciaires, administratives, d’arbitrage ou de médiation, ou en lien avec ces procédures ».

L’acte est détachable de la procédure juridictionnelle s’il n’est pas expressément prévu par la décision juridictionnelle. Alors l’acte en question ne sera pas couvert par l’exemption de déclaration de soupçon

Lutte contre le blanchiment et contrôle de la CARPA

Tous les fonds maniés par les avocats dans le cadre de leurs activités professionnelles (hormis le cas de l’avocat fiduciaire), qui ne peuvent être que l’accessoire d’une opération juridique ou judiciaire à laquelle intervient l’avocat concerné, doivent obligatoirement passer par la CARPA et sont donc soumis à ses contrôles.

Les contrôles portent notamment sur la nature et l’intitulé des affaires, la provenance des fonds, la destination des fonds, le bénéficiaire effectif de l’opération, le lien entre le règlement pécuniaire et l’opération juridique ou judiciaire accomplie par l’avocat dans le cadre de son exercice professionnel. Si une opération pose difficulté au regard d’un ou plusieurs de ces points de contrôle, la CARPA peut rejeter l’opération.

Un avocat ne peut opposer le secret professionnel à la CARPA, émanation de l’autorité ordinale, qui effectue ses contrôles sous l’autorité du bâtonnier et du conseil de l’ordre.

La CARPA bénéficie du droit de communiquer des informations sur les flux financiers passant sur ses livres de comptes pour garantir leur traçabilité. Elle est elle-même assujettie aux obligations de vigilance et de déclaration.

Retrouvez nos articles consacrés au droit dans cette rubrique.

Philippe Miller

Philippe Miller

Journaliste professionnel, télé et web, carte de presse n°115527, depuis 2010, spécialiste des arnaques financières, des paradis fiscaux et des mafias.

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