Jusqu’où peut-on arguer d’une addiction aux jeux d’argent pour justifier le détournement d’1,2 million d’euros versés par des épargnants qui croyaient investir dans des produits financiers ? La 6eme chambre correctionnelle du tribunal de Pontoise doit répondre à cette question dans l’affaire Alexandre Coll-Rotger.
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Toggle1,2 million d’euros détournés de placements financiers
C’est un homme impassible baignant dans l’addiction aux jeux d’argent, qui affronte ses accusateurs le 3 mars 2021 au tribunal correctionnel de Pontoise. Alexandre Coll-Rotger, 45 ans, est seul avec son avocate face à une dizaine de partie civiles, des particuliers âgés pour l’essentiel et la société Le Conservateur, un groupe financier fondé en 1844 et dont le prévenu a été l’employé.
Se présentant comme intermédiaire en investissement agissant pour le compte du Conservateur, Alexandre Coll-Rotger reconnaît les faits depuis le jour de son arrestation, en 2017. Il a détourné près d’1,2 million d’euros à ses victimes. Un argent qu’Alexandre Coll-Rotgers a régulièrement dilapidé dans une passion dévorante: les jeux d’argent.
Une passion du jeu à satisfaire ou un train de vie à entretenir?
C’est d’ailleurs systématiquement de cette manière qu’il justifie sa conduite : une fuite en avant qui le conduit à recommencer, inlassablement. Plus il perd aux jeux, plus il doit trouver d’argent. Une logique sans faille. Quand on perd beaucoup, on doit regagner beaucoup, donc remiser beaucoup.
Malgré ce cercle vicieux, le prévenu a la présence d’esprit de s’acheter une Ferrari pour 80 000 euros. Une façon pour lui de mettre cet argent à l’abri de sa propre assuétude. Probablement comme le choix de vivre dans un location Airbnb, de conduire une Porsche Panamera ou de louer une Range Rover à 650 euros par mois. La destination finale de 600 000 euros sur le 1,2 million détournés n’a pas pu être identifiée.
« J’étais toujours dans le même schéma d’addiction aux jeux d’argent »
Sommé d’expliquer, Alexandre Coll-Rotger se dédouble. Il y a le joueur compulsif d’avant « toujours dans le même schéma ». Et il y a l’homme qui se présente à la barre. Il s’est amendé, et consulte un psychologue une fois par mois. Il a pris du recul et compris beaucoup de choses.
Quand on l’interroge sur ce passé, Alexandre Coll-Rotger parle de lui comme s’il avait été plusieurs années durant, privé de son libre arbitre. « A l’époque, commente-t-il, j’étais toujours dans le même schéma de l’addiction aux jeux d’argent ». Schéma est un mot qui revient régulièrement dans sa bouche pour expliquer ses agissement. « Je ne me rendais pas compte, j’étais dans une bulle, incapable de me maîtriser ». Une spirale mentale, « un enfer », que « vous ne pouvez-pas comprendre », finit-il par lâcher au président du tribunal et aux victimes, qu’il vient de qualifier de « dommages collatéraux ».
Son arrestation en 2017 lui apparait comme un soulagement. « La police seule pouvait m’arrêter » raconte-t-il. Il a tout de suite reconnu les faits et donné aux enquêteurs la liste complète de ses victimes.
Récidive ou continuation ?
Alexandre Coll-Rotgers a trouvé un emploi et a commencé a consigner 300 euros par mois pour démontrer sa volonté de rembourser ses victimes. « Cela fait 4 ans que l’on ne peut plus rien me reprocher » explique-t-il à ses juges, comme pour convaincre que ce qu’on lui reproche n’est qu’un incident de parcours.
Seulement, Alexandre Coll-Rotgers n’en n’est pas à sa première incartade. Il a reconnu avoir mené les mêmes pratiques quand il travaillait auprès d’une autre société, Generalli, à partir de 2009. Son employeur l’a poursuivi mais la procédure s’est perdue et il n’a été condamné qu’en 2019. Si bien que l’on ne sait plus s’il est un récidiviste ou si l’on doit considérer qu’il s’agit d’un seul et même continuum de détournement.
Le délibéré sera rendu le 31 mars 2021. Dans l’attente de son jugement définitif, Alexandre Coll-Rotger est présumé innocent.